Plateforme Régionale de Surveillance Tellurique (PREST)
Localisées le long d’une frontière géologique majeure, les Grandes et Petites Antilles sont menacées par des aléas telluriques à fort impact économique et sociétal (éruptions volcaniques, séismes, tsunamis, glissements de terrain…) dans un contexte d’isolement dû à l’insularité.

Projet Prest
Fiche synthétique du projet
- Financement : Programme Interreg Caraïbe V 2014-2020 (Fonds européens FEDER)
- Chef de file : Observatoire Volcanologique et Sismologique de Martinique (OVSM) – Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP)
- Durée : 31 mai 2018 au 31 mai 2022
- Budget du projet : 3 976 613.45 €
- Montant de la subvention FEDER accordée : 2 909 788.37 €
- Axe prioritaire : Axe 4, renforcer la capacité de réponse aux risques naturels.
- Objectif spécifique : OS 6, accroître la capacité de réponse des territoires face aux risques naturels.
- Partenaires communautaires : CNRS, ENS, GET, IRD, ESEO
- Partenaires extracommunautaires : CENAIS (Cuba), UEH (Univ. d’Etat en Haïti), BME
(Bureau des Mines et de l’Energie, Haïti).
Résumé
Le projet PREST résumé en quelques mots.
Localisées le long d’une frontière géologique majeure, les Grandes et les Petites Antilles sont menacées par des aléas telluriques à fort impact économique et sociétal (éruptions volcaniques, séismes, tsunamis, glissements de terrain…) qui peuvent être couplés avec d’autres aléas (météorologiques, climatiques…).
La compréhension de ces aléas est un enjeu majeur pour le développement et la résilience de ces territoires qui sont dans un contexte d’isolement dû à l’insularité.
Toutefois, ils souffrent d’une dispersion des partenaires et d’un manque de connaissances sur les processus géologique à l’origine de ces aléas.
Répondre à ces défis nécessite de coupler des mesures directes sur les îles avec des études en mer, bien plus compliquées du point de vue technique, et de renforcer durablement les collaborations et le niveau de compétence scientifique régional en géosciences.
L’objectif du projet PREST est de réaliser une plateforme de recherche régionale en géosciences pour réduire ces risques telluriques, en développant des outils et analyses à terre et en mer, en particulier en testant une instrumentation marine innovante, en coordination avec les partenaires de la Caraïbe et en interaction avec les meilleurs spécialistes.
Cette plateforme bénéficiera du nouveau bâtiment de l’Observatoire Volcanologique et sismologique de Martinique (OVSM-IPGP) comme support logistique.
Le territoire impacté par le projet PREST couvre les Grandes et Petites Antilles. Il met en relation des territoires de différente nature :
Intracommunautaires :
Guadeloupe
Martinique
Extracommunautaire :
Cuba
Haïti
Chef de file :
Observatoire Volcanologique et Sismologique de Martinique, Institut de Physique du Globe de Paris (OVSM-IPGP)
Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe, Institut de Physique du Globe de Paris (OVSG-IPGP)
Centre Nationale de la recherche Scientifique (CNRS)
École Normale Supérieure (ENS)
Géosciences Environnement Toulouse (GET)
Institut de Recherche pour le développement (IRD)
École Supérieure d’Électronique de l’Ouest (ESO)
Centre National de Recherches en Sismologie de Cuba (CENAIS)
Université d’État d’Haïti (UEH)
Bureau des Mines de de l’Énergie d’Haïti (BME)
LES 4 GRANDS AXES DE PREST
1. NOUVELLES STATIONS ET NOUVELLES CAMPAGNES DE MESURES
Pour accroître l’efficacité de détection des séismes potentiellement déclencheurs de tsunamis, de nouvelles stations sismologiques permanentes vont être installées :
– à l’ouest d’Haïti en collaboration avec le CENAIS qui a besoin de ces données pour mieux localiser la sismicité en mer entre Cuba et Haïti
– dans le centre d’Haïti par le BME pour mieux suivre la sismicité du territoire
Un réseau de stations GPS temporaires sera installé à l’est de Cuba et mesuré lors de campagnes pendant la durée du projet. Il viendra compléter le réseau sismologique du CENAIS, en lien avec les réseaux sismologiques et géodésiques haïtiens.
Des campagnes de mesures GPS sur la Montagne Pelée de Martinique et la Soufrière de Guadeloupe permettront d’améliorer la description du champs de déformations de ces édifices pour mieux anticiper l’arrivée d’une éruption.
Un observatoire sous-marin composé d’une station sismologique et de stations de déformations sera implanté en mer au sud des Saintes (Guadeloupe). En complément des stations terrestre, cette installation permettra à terme de mieux caractériser en temps réel la sismicité de cette zone, l’une des plus actives de l’arc antillais, depuis le séisme de 2004 (M=6.3). Voir plus loin « développement de nouvelles technologies ».

3. DÉVELOPPEMENT DE NOUVELLES TECHNOLOGIES
En partenariat avec les collaborateurs implantés en France, de nouveaux instruments vont être développés puis déployés en Martinique, en Guadeloupe et potentiellement ensuite ailleurs aux Antilles.
Une plateforme motorisée équipée d’un sondeur multi-faisceaux et des instruments associés (GPS et centrale inertielle) sera développée. Elle sera destinée aux observations et mesures des fonds marin pour surveiller et comprendre les structures géologiques actives au large des îles (failles, volcans, évolutions des petits fonds marins après une crue ou cyclone,…) et donc difficilement explorées par les navires océanographiques. Elle pourra être mutualisée avec d’autres organismes.
Un autre développement concerne la mise au point d’un sismomètre de fond de mer (dit OBS) mené par l’IPGP et le CNRS. Ce nouvel équipement sera spécialement conçu pour les interventions rapides par des équipes réduites embarquées sur petits bateaux et doit pouvoir être déployé n’importe où à travers les Antilles.
Enfin, l’IPGP, l’ESEO et l’ENS développent trois instruments sous marins à mesures optique d’une technologie totalement nouvelle. Il s’agit d’un sismomètre, un inclinomètre et un pressiomètre capables mesure les vibrations sismiques ainsi que les lentes déformations de la croûte terrestre en milieu marin. Cette instrumentation sera améliorée, testée et déployée dans un observatoire sous-marin au large des Saintes, lors d’une campagne océanographique spécifique et reliée à terre par une fibre optique permettant de transmettre par wifi en temps réel les données vers les observatoires de Martinique et de Guadeloupe.
2. PARTICIPATION AU MONTAGE D’UN MASTER RISQUES NATURELS EN HAÏTI
Suite au séisme meurtrier d’Haïti de 2010, la Faculté des Sciences (FDS) de l’UEH a commencé à réfléchir à la formation en Haïti de spécialistes en géosciences.
Ce projet de Master s’intègre dans la révision globale académique de l’UEH. Pour réaliser un tel projet, la FDS a besoin d’un partenariat international afin d’être conseillée dans ses choix, construire ses programmes et participer aux enseignements pour, dans la mesure du possible, former des docteurs.
L’IRD, l’ENS et l’OVSM-IPGP se sont ainsi engagés dans ce projet de développement d’un nouvel enseignement, en coordination avec Géoazur (Université Côte d’Azur).
4. ANALYSE DES DONNÉES ET AMÉLIORATION DE LA CONNAISSANCE
Le projet Interreg Caraïbe IV TSUAREG a permis l’installation d’un réseau sismologique et géodésique moderne, à l’échelle de l’arc antillais et adapté à notre contexte insulaire. Ce nouveau réseau acquiert depuis 2014 des données de haute qualité dont l’interprétation va permettre de mieux comprendre les mécanismes de la subduction, génératrice de séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, et glissements de terrain majeurs.
Ces données viennent compléter un ensemble de données acquises en mer lors de campagnes océanographiques récentes (Voilà 2016-2018, CASEIS 2016, IODP 2012, Antithesis-2 2015, BathySaintes 2010, Gwadaseis 2009, Caraval 2002, Aguadomar 1998-99, etc) dans lesquels les partenaires de ce projet sont ou ont été impliqués.
Le projet PREST est une opportunité de réunir les acteurs de la communauté scientifique régionale et nationale impliquée dans l’étude des risques telluriques, pour améliorer la connaissance scientifique par l’analyse des données disponible.

LE PROJET EN DÉTAIL
Le projet se décline en 8 work packages (WP) :
WP1 : Réunions et échanges de compétences
La livraison d’un nouvel observatoire volcanologique et sismologique en Martinique va permettre l’accueil des partenaires régionaux pour y réaliser nos réunions (COPIL, COTECH, etc) et ensemble les études sur les données acquises.
WP3 : Action en Haïti
Trois actions seront réalisées en Haïti, avec les partenaires avec qui nous travaillons depuis longtemps, l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) et le Bureau des Mines et de l’Energie (BME) : 1) l’appui à la préparation et à la mise en route du Master Géosciences Géorisques de l’UEH ; 2).
La collaboration avec le BME pour l’installation des dernières stations sismologiques du réseau haïtien avec le soutien du CENAIS ; 3) La poursuite des études de la structure de la lithosphère et de la sismicité en Haïti avec des missions de terrain (sismologie, géodésie, géologie).
Des chercheurs ou des ingénieurs haïtiens partenaires seront reçu en Martinique, Guadeloupe et en métropole afin de réaliser le traitement et l’interprétation des données.
WP5 : Plateforme marine multicapteurs
L’objectif est de créer une plateforme marine multicapteur (sondeur, imagerie acoustique, hydrophones, etc) et mutualisée entre les géosciences marines (géodésie, tectonique, géophysique, biologique...) et le suivi des paramètres environnementaux sur les littoraux des Antilles.
Basée dans le nouvel observatoire en Martinique, elle contribuera à son rayonnement local et régional. Après une série de tests, elle sera mise à disposition de la communauté scientifique par le biais d’un site internet et les données seront distribuées à travers une base de données spatio-temporelle.
WP7 : Développement d’instruments innovants sous-marins transmis en temps réel
Dans ce WP, nous proposons de créer un prototype d’observatoire sous-marin aux large de Terre-de-Bas, aux Saintes. Il sera équipé de stations sismologique et de déformation à mesure optique reliées à terre par fibre optique à une station équipée d’un laser de mesures.
Cette technologie permet de s’affranchir de nombreux problèmes liés au déploiement d’électronique et d’énergie en fond de mer (comme les OBS), car ici l’énergie et l’électronique (numérisation, stockage, transmission) sont disposées à terre.
Cette phase du projet, permettra de qualifier les instruments, développer les techniques d’implantation dans des conditions réelles pour la première fois.
La station de mesures à terre enverra ses données par wifi aux observatoires et permettant ainsi de mieux caractériser en temps réel la sismicité de l’archipel, dont le taux reste un des plus importants de l’arc antillais, depuis le séisme des Saintes (M=6.3) de 2004.
L’objectif à la fin du projet est de définir les modalités de déploiement de tels instruments sur des réseaux câblés au large des îles ou ailleurs dans le monde.
WP2 : Actions à Cuba
Faisant suite à plusieurs années de collaboration entre l’OVSM et les sismologues du CENAIS, nous allons installer à Cuba un réseau temporaire de GPS et compléter le réseau sismologique du CENAIS dans la partie orientale de l’ile, en lien avec les réseaux sismologique et géodésique haïtiens.
Nous proposons également de recevoir en Martinique les chercheurs cubains afin de réaliser les traitements et analyses des données.
WP4 : Études Petites Antilles
La précédente programmation a permis l’installation d’un réseau sismologique et géodésique moderne sur tout l’arc des Petites Antilles. Les données de ces stations s’ajoutent à un ensemble de données de campagnes océanographiques récentes ou à de nouvelle données acquises en mer et à terre dans le cadre de ce projet.
Ce WP correspond à l’exploitation de toutes ces données et à la production de résultats scientifiques allant vers une amélioration de la connaissance des aléas telluriques régionaux régionaux (séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, glissements de terrain) : catalogues sismiques, cycles sismiques, sismicité du nord de l’arc antillais, analyse de la tectonique, mesures et modélisation des déformations (données géodésiques) pour estimer le chargement de la subduction, modélisation thermomécanique de la subduction, histoire éruptive des volcans, développement d’outils de modélisation de retombées de cendre dans l’arc depuis n’importe quel volcan, recherche et identification de paléo-tsunamis et de paléo-séismes.
WP6 : Développement d’un prototype d’OBS (Ocean Bottom Seismometer)
Des 14 séismes régionaux de magnitude supérieure à 6 depuis 15 ans, peu ont été suivis de déploiement se sismomètres sous-marins (OBS). Or, leurs répliques permettent de déterminer les caractéristiques des failles qui ont rompu, ou des volcans sous-marins éventuels.
Dans ce WP, nous allons développer le prototype d’une nouvelle génération d’OBS dont la mise à l’eau pourra être réalisée avec de petits navires locaux. Une fois le prototype qualifié, ils pourront être mis en production prêts à être déployés en cas de fort séisme dans toute la région.
Ces instruments sont mis à l’eau puis récupérés pour exploiter leurs données.
WP8 : Transfert de compétence, mise à disposition des données
Ce WP est une action transversale du projet PREST.
Il permettra de restituer les données acquises lors du projet (plateforme de partage via internet), d’identifier des entreprises locales qui pourront réaliser une partie des développements nécessaires et d’identifier les moyens à la mer nécessaires pour la mise en oeuvre de notre instrumentation pendant la durée du projet et par la suite.
CONTEXTE DÉTAILLÉ
Objectifs
Le projet PREST vise à positionner la région au meilleur niveau technologique, collaboratif, et scientifique concernant les aléas sismiques, tsunami-géniques et volcaniques.
Il repose sur la livraison d’un bâtiment ultra-moderne pour l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de la Martinique (OVSM-IPGP) qui servira de plateforme régionale aux partenaires de ce projet.
Il hérite de l’expérience de projets antérieurs, dont le projet INTERREG CARAIBE IV Tsuareg et du FEDER Guadeloupe, qui s’était focalisé sur la mise à jour instrumentale, le transfert de compétence technique à l’échelle régionale, et sur l’expertise des partenaires dans le domaine de l’instrumentation sismologique et géodésique à terre et en mer et dans les domaines des études géophysiques, géologiques, tectoniques, géodésiques et volcaniques.
Il est également construit sur les collaborations existantes depuis longtemps entre les partenaires français et extra-communautaires.
A travers le projet PREST, notre objectif est de préparer le futur de la surveillance des aléas sismiques et volcaniques en intégrant des observations terre-mer depuis les Petites Antilles où le chef de file est présent dans ses deux Observatoires Volcanologiques et Sismologiques (OVS) en Martinique et en Guadeloupe, jusqu’à l’extrémité ouest de la subduction dans les Grandes Antilles où sont présents nos partenaires extra-communautaires (Haïti et Cuba).
Localisées le long d’une frontière géologique majeure située en mer, les Grandes et Petites Antilles sont menacées par des aléas telluriques à fort impact économique et sociétal (éruptions volcaniques, séismes, tsunamis, glissements de terrain…) dans un contexte d’isolement dû à l’insularité.
Le suivi des crises telluriques ne peut donc se passer d’une observation continue en domaine océanique, intégré avec l’observation terrestre.
Les technologies permettant le suivi continu dans un tel milieu sont complexes à mettre en œuvre pour des raisons évidentes de communication, d’énergie et d’usure instrumentale.
Ces technologies sont pour beaucoup encore en développement – il est crucial que la région se donne les moyens de participer à ces développements pour que des solutions adaptés aux besoins et aux moyens d’intervention soient définies.
Notre objectif spécifique est donc de définir l’instrumentation temps réel en mer qui viendra compléter l’instrumentation existante à terre. Pour y arriver, des modélisations détaillées du comportement de la lithosphère en subduction seront réalisées, ainsi que des études détaillées de la sismicité et de la tectonique régionale, et des modélisations des effets des facteurs d’amplification en ce qui concerne la propagation des tsunamis.
Contexte tectonique
Les Grandes Antilles et les Petites Antilles se situent le long de la frontière de la plaque Caraïbe avec la plaque nord-américaine (Fig. 1).
Le déplacement de la plaque Caraïbe par rapport à la plaque nord-américaine est de l’ordre de 2 cm/an, et dirigé vers l’est-nord-est (N70°).
La convergence de ces 2 plaques génère une zone de subduction qui s’étend du sud des Petites Antilles jusqu’à Haïti dans les Grandes Antilles dont le comportement varie en fonction de la direction de convergence, définissant ainsi les deux grandes provinces tectoniques des Petites Antilles à l’est et des Grandes Antilles au nord.
Au nord des Petites Antilles, la direction de convergence des plaques Caraïbe et nord-américaine devient progressivement oblique puis sub-parallèle à la limite de plaques et forme une frontière en transpression ou en collision oblique. Cela se traduit par un partitionnement de la déformation entre d’une part des déformations décrochantes et d’autre part des déformations compressives qui affectent notamment l’île d’Hispaniola.
La limite nord de la plaque Caraïbe correspond à un système de failles décrochantes sénestres globalement orienté estouest.

Figure 1 : Contexte tectonique de la plaque Caraïbe (Symithe et al., 2015).

Figure 2 : Contexte tectonique des territoires français des Antilles. La sismicité régionale (M>4) depuis 1972 provient du catalogue CDSA, les mécanismes au foyer pour les séismes supérieurs à 4.5 proviennent du catalogue, le code couleur correspondant à l’échelle de profondeur indiquée en bas à gauche. Les zones de rupture des séismes de 1843 (M>8) et de 1839 (M~7,5) proviennent de Bernard et Lambert (1988), Feuillet et al. (2011) et Hough (2013) Le taux de couplage de la subduction inserré à droite provient de Symithe et al. (2015).
L’arc volcanique des Petites Antilles est lié à la subduction des plaques nord et sud américaines sous la plaque Caraïbe depuis l’Eocène inférieur (~50-40 Ma).
Ce contexte de subduction induit volcanisme, contraintes, déformations à long terme et sismicité.
Le taux de sismicité associé à cette vitesse de convergence modérée est modéré par rapport aux zones de subduction rapides mais n’exclue pas les séismes majeurs comme celui de 1843 (M>8, à l’est de la Guadeloupe et d’Antigua) (Fig. 2).
Malgré plus de 40 millions d’années de subduction, la connaissance des séismes passés est restreinte aux données historiques des intensités de quelques séismes forts pour les 400 dernières années et aux données instrumentales de plus en plus complètes depuis environ 50 ans.
Les séismes très fort et majeur de 1839 et 1843 sur 2 segments différents de la subduction (Fig. 2) sont les seuls exemples probables de séisme à l’interface, mais l’absence de tsunami associé au séisme de 1843 dont la magnitude a dû dépasser 8.3 rend l’analyse de ce séisme ambiguë et implique qu’il a dû se produire à une profondeur anormalement importante pour un séisme de subduction.
Ce séisme (Imax=VIII-IX, M>8) a causé la destruction de Pointe-à-Pitre par ses effets directs et par l’incendie qu’il a provoqué et causé plus de 3000 victimes. Le séisme de 1839 (Imax=VIII, M~7,5) a détruit la moitié des bâtiments de Fort-deFrance et causé plus de 300 morts.
Le manque de connaissance des séismes passés ne fournit aucune information quant à leur temps de retour.
Les Petites Antilles sont également caractérisées par une sismicité intraplaque importante (Fig. 2), responsable du séisme des Saintes de 2004 (Imax=VIII , M=6,3) et par des séismes de profondeur intermédiaire comme celui de Martinique de 2007 (Imax=VI , M=7,4) mais la fenêtre de temps des catalogues sismiques ne permet pas d’établir précisément une cartographie de toutes les failles potentiellement actives.
Contexte tsunami
Pour ce qui concerne les tsunamis, le bassin Caraïbe a été identifié par l’Unesco comme l’un des 4 bassins tsunami-géniques mondiaux. La spécificité de la menace tsunami aux Antilles tient à son contexte tectonique et géographique. Les tsunamis menaçant les îles peuvent être générés :
- par des phénomènes locaux (propagation en quelques minutes) comme des effondrements de falaise ou de flancs de volcan en bordure de littoral,
- par des phénomènes régionaux (propagation en quelques dizaines de minutes à quelques heures) comme des éruptions volcaniques d’îles voisines ou de forts séismes au niveau de la zone de subduction,
- ou encore par des phénomènes trans-océaniques (propagation en plusieurs heures).
Ces sources impliquent qu’il existe un continuum temporel entre les temps d’arrivée des vagues depuis l’événement tsunami-génique et nos côtes, de l’ordre de la minute à plusieurs heures et des amplitudes de vagues très variables du centimètre à plusieurs mètres.

Figure 3 : Nombre de victimes (en rouge) des tsunami historiques dans la Caraïbe suivant la NOAA (Dunbar and McCullough, 2012).
Depuis 2005, les recherches ont permis de construire des bases de données des tsunamis historiques dans les Antilles. Sur cette période de temps très limitée (~500 ans), des dizaines d’événements ont été identifiés. La National Oceanographic and Atmospheric Agency (NOAA, https://www.ngdc.noaa.gov/hazard/tsu_db.shtml) maintient à jour une base de données des événements (Dunbar and McCullough, 2012) dont 74 recensés dans la Caraïbe (Figure 3) et les événements ayant impactés les côtes des îles françaises sont identifiées dans la base de données du BRGM (http://tsunamis.brgm.fr/).
Malgré ces études basées sur des rapports historiques, aucune trace de tsunami, historique et connu ou bien antérieur aux documents historiques (i.e. paleo-tsunami), n’a encore été identifiée avec certitude tant en mer qu’à terre. Une des actions du projet PREST consistera à identifier des paléo-tsunamis et une méthode pour les mettre en évidence.
Contexte volcanique
La connaissance de l’histoire éruptive des volcans des Petites Antilles et de leurs différentes phases d’édification est essentielle pour comprendre leur mode de fonctionnement mais aussi et surtout pour estimer les risques qu’il fait encourir aux populations qui vivent sur ses flancs.
Cette connaissance peut être déduite des observations directes lorsque la région est habitée depuis une longue période où de l’étude géologique à terre des produits émis lors des éruptions (e.g. Westercamp et Traineau, 1983; Boudon, 1993 ; Coltelli et al., 2000; Pyle et al., 2006, Komorowski et al., 2005, 2008 ; 2010). Cependant, de telles reconstitutions montrent qu’en remontant dans le temps, la chronologie est parfois de plus en plus imprécise, soit parce que les dépôts étaient peu épais et qu’ils ont été érodés, soit parce qu’ils sont recouverts par les produits d’autres éruptions, soit parce que les conditions d’observation ne sont pas satisfaisantes (e.g. manque d’affleurement…), ou enfin parce que en domaine insulaire, comme c’est le cas aux Antilles, une partie des produits volcaniques peut s’être déposée en mer. On peut ainsi mentionner.
L’éruption du volcan de Soufrière Hills à Montserrat, qui a débuté en 1995 et s’est caractériée par des périodes de croissance de dôme entrecoupées par des écroulements massifs de dôme (Young et al., 1998 ; Robertson et al., 2000).
Le 12 juillet 2003, le dôme s’est déstabilisé et plus de 200 Mm3 de matériel volcanique se sont ainsi épanchés en mer (Herd et al., 2005). Entre 1998 et 2002, de nombreux petits écroulements se sont succédés et certains des écoulements pyroclastiques ont atteint la mer. En mai 2006, un second événement majeur s’est produit puisque près de 120 Mm3 se sont encore épanchés en mer. De plus, les produits volcaniques émis par les volcans localisés près des côtes peuvent être dispersés en mer par les vents dominants sur quelques centaines, voire milliers de km2 (Pyle et al., 2006). On comprend alors facilement qu’en ne se basant que sur les enregistrements à terre la connaissance de l’histoire géologique devient ainsi parcellaire et biaisée en faveur des éruptions les plus volumineuses mais pas les plus violentes ni les plus destructrices.
Un des moyens de compenser ces lacunes est d’utiliser les données marines. En effet, les carottes sédimentaires marines prélevées au large des édifices volcaniques peuvent ainsi avoir enregistré la trace d’éruptions dont certaines ne sont plus visibles à terre. L’analyse des carottes marines permet de réaliser des études de tephrochronologie marine et d’analyse des turbidites. L’intérêt de la tephrochronologie marine réside dans la continuité des dépôts sédimentaires marins qui vont piéger les tephra et préserver la chronostratigraphie des éruptions dans le passé (Keller et al., 1978 ; Calanchi et al., 1998 ; Paterne, 1985 ; Paterne et al., 1986, 1988, 1990, 2008 ; Siani et al., 2004 ; Le Friant et al., 2008 ; Caron et al., 2010, 2012 ; Le Friant et al., 2013).
En menant conjointement des études stratigraphiques à terre et des études en mer, il est possible de reconstruire une histoire beaucoup plus complète des volcans, de déterminer les différentes phases de construction, les périodes de repos et les fréquences éruptives afin de mieux connaître le fonctionnement de chaque volcan. Ce type d’étude a été mené localement comme à Montserrat et en Martinique ou il est en cours mais jamais à l’échelle de l’arc.
Contexte instrumental
Dans les Petites Antilles (Fig. 4), un effort important a été réalisé ces 10 dernières années pour améliorer la géométrie nord-sud du réseau régional (WI), moderniser les stations, fiabiliser leur mode de transmission en utilisant le système VSAT (Very Small Aperture Terminal) et rendant redondant les centres de réception satellitaire dans les OVS de Martinique et Guadeloupe (Anglade et al, 2014). L’objectif de cet effort était l’amélioration de la qualité des données, tant pour la recherche et l’observation sismique régionale et volcanique régionale que pour la participation au système d’alerte aux tsunamis de la Caraïbe. Ces modernisations ont été financées par des projets régionaux, CPER en Guadeloupe et Interreg Caraïbe IV en Martinique et représentent un réseau de 16 de stations multiparamètres (sismomètre, accéléromètre et GPS), dont 12 sur les îles françaises (Martinique, Guadeloupe et SaintBarthélémy).
En revanche, il n’existe actuellement aucune station sismique permanente continue en mer proche ou non de la subduction. L’acquisition de données en mer passe par des campagnes de déploiements temporaires de sismomètres fond de mer (OBS). Aucune mesure géodésique en mer n’a jamais été réalisée.
En Haïti, un effort important a été initié suite au séisme de janvier 2010. Le tremblement de terre de magnitude 7.0 qui a frappé la République d’Haïti, particulièrement les villes de Port-au-Prince, Léogane et Jacmel le mardi 12 janvier 2010 a été provoqué par le relâchement soudain des contraintes accumulées le long d’un segment du système de faille d’Enriquillo-Plantain Garden (EPG), une structure de plus de 600 km de long (Calais et al., 2010 ; Mercier de Lépinay et al., 2011). Cette faille, dont les dernières ruptures remontent au 18e siècle, parcourt tout le sud d’Haïti et produira dans le futur d’autres tremblements de terre qui pourront être destructeurs et affecter de nouveau la capitale ainsi que d’autres villes du pays, conséquence des mouvements de plaques tectoniques, inexorables et avérés dans la région. De la même manière, le nord d’Haïti est sous la menace de la faille Septentrionale, faille sismiquement très active, ayant par le passé donné lieu à d’importants séismes dont celui de magnitude 8 qui a sévèrement affecté le nord du pays en 1842.

Figure 4 : Carte des réseaux sismologiques et géodésiques des Petites Antilles. Le réseau large-bande régional (WI) est équipé de sismomètres, d’accéléromètres et de GPS.

Trois stations VSAT ont été installées autour de Port-au-Prince par les canadiens du NRCAN dès 2010, à proximité de la zone de rupture du séisme de janvier 2010 (Fig. 5) et l’Etat haïtien a acquis 5 autres stations VSAT, dont 3 ont été installées rapidement. Les deux dernières seront installées lors du projet PREST, ainsi que 5-6 stations supplémentaires (Fig. 5) acquises par le BME. Le BME est par ailleurs devenu Centre de Données National et a la charge de la maintenance de ce réseau et de la surveillance sismique du territoire haïtien.
Figure 5 : Réseau sismologique haïtien. Les punaises vertes représentent les stations VSAT (celle de Jérémie et de Mole Saint Nicolas devant encore être installées) et en noir les stations sismiques prévisionnelles, déjà acquises par le BME et à installer lors du projet PREST.
Concernant les stations GNSS (Global Navigation Satellite System) permanentes, la figure 6 montre l’ensemble des stations régionales des Grandes et des Petites Antilles. On observe une très faible densité de stations permanentes en Haïti et Cuba, qui justifient les efforts que nous allons faire au niveau des campagnes temporaires de GPS de répétition.
Figure 6 : Stations GPS permanentes disponibles dans la Caraïbe. Un effort particulier va être fait à Cuba et en Haiti, actuellement sous-equipés en GPS, pour y réaliser des campagnes de mesures sur des sites épisodiques.
