Une participation citoyenne en Martinique pour évaluer les retombées de cendres du 12 avril 2021 (Soufrière de Saint-Vincent)

Lors d’une éruption volcanique explosive, les retombées de cendres peuvent produire des effets dramatiques dans la zone proximale de l’édifice : effondrement de bâtiments, lahars, inondations, endommagement des réacteurs d’avions, perturbations majeures des réseaux de distribution d’eau, d’électricité et d’évacuation des eaux usées…

À distance, à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres, des retombées de cendres, même modérées peuvent aussi avoir des impacts significatifs : problèmes respiratoires, exacerbations d’asthmes, pollution des réservoirs d’eau, nuisance sur le fonctionnement des appareils mécaniques, électriques ou électroniques (du au pouvoir d’abrasion de ces poussières). Il est donc nécessaire de connaître au plus tôt la quantité des particules émises dans l’atmosphère et leurs caractéristiques (tailles, forme et composition minéralogique/chimique).

Le 9 avril 2021, la Soufrière de Saint-Vincent débute une série d’une trentaine d’explosions et le 12 avril 2021, de faibles retombées de cendres sont observées en Martinique. Il faut se mobiliser pour obtenir des données, surtout si l’éruption dure. Sous l’impulsion de l’Observatoire volcanologique et sismologique de Martinique (OVSM-IPGP) et dans le cadre du projet PREST, plusieurs initiatives sont alors lancées pour suivre les retombées des cendres en Martinique et les caractériser.


Figure 1 : Préleveurs artisanaux réalisés par les techniciens de l’OVSM-IPGP

Six préleveurs de cendres artisanaux mais normés sont construits par l’équipe technique de l’OVSM, à l’aide de bouteilles de plastiques du commerce et sont déposés en Martinique (Figure 1). Ces collecteurs efficaces et rapides à mettre en place ont été réalisés sur le modèle de ceux déployés en Equateur par les volcanologues de l’Institut Géophysique de Quito lors de l’éruption du Tungurahua en 2012. Les retombées de cendres du 12 avril 2021 seront le seul événement atteignant la Martinique et celles-ci n’auront finalement qu’un impact mineur. Mais l’exercice s’avère très formateur.

La situation sanitaire ne facilitant pas les déplacements, une participation citoyenne est proposée, via le compte Facebook de l’OVSM. Ainsi, près de 25.000 personnes sont touchées par cet appel, plusieurs milliers de réactions et plus d’une centaine de témoignages sont traités. Les participants sont sollicités pour réaliser chez eux une photo d’une surface recouverte de cendres avant de la toucher, puis une photo avec l’inscription au doigt du lieu, de la date et de l’heure de l’observation (Figure 2). Avec des abaques, ces photos permettent aux scientifiques d’évaluer approximativement l’épaisseur de cendres.



Figure 2 : Site Facebook de l’OVSG avec l’annonce et les réponses aux témoignages de retombées de cendre

Les participants peuvent également prélever un peu de matériel dans un sac en notant le lieu, la date, l’heure et le type de surface et le transmettre à l’OVSM, pour analyse de la taille, la forme et la composition des cendres. Il est aussi recommandé de nettoyer la surface pour être ensuite disponible à d’autres retombées de cendres (ce qui ne fut pas le cas). Les échantillons reçus à l’OVSM et récupérés dans les collecteurs de cendres ont été rapidement transmis à l’IPG-Paris et sont actuellement en cours d’analyse. Leur étude permettra de mieux connaitre la composition géochimique des panaches volcaniques de St-Vincent (soufre, halogènes, métaux..) et leur impact environnemental. L’analyse des témoignages recueillis sur les réseaux sociaux a permis aux scientifiques d’établir une carte de dispersion de cendres de cet épisode (Figure 3).

Celle-ci montre quantitativement la gradation des retombées de cendres du nord au sud de la Martinique et offre une contrainte robuste pour tester et valider a posteriori les modèles physiques d’éruptions volcaniques qui sont utilisés en routine, notamment au sein du WP4 de PREST, pour la prévision des retombées de cendres en provenance d’autres îles de la Caraïbe.

Figure 3 : carte de la distribution des retombées de cendre en Martinique

D’autres prélèvements de cendres ont été réalisés dans les îles anglophones (St-Vincent-et-les-Grenadines, Barbade, Ste-Lucie) sous la direction du Seismic Research Center de l’University of the West Indies (SRC-UWI) et la mise en place d’autres types de collecteurs. Un dialogue est engagé avec les acteurs de la prévention des risques naturels des îles des Antilles (SRC-UWI, Montserrat Volcano Observatory, OVS-Martinique, OVS-Guadeloupe, IPG-Paris) pour coordonner ce type de mesures sur le terrain et en laboratoire, qui sont essentielles pour calibrer les modèles d’éruption volcanique, évaluer l’impact des cendres, et mettre en place des outils de prévention.

David Mélezan, technicien à l’OVSM-IPGP

Fabrice Fontaine, Directeur de l’OVSM-IPGP

Guillaume Carazzo, Volcanologue à l’IPGP

Jean-Christophe Komorowski, Volcanologue à l’IPGP

Audrey Michaud-Dubuy, Volcanologue à l’IPGP

Jean-Bernard de Chabalier, Géophysicien à l’IPGP

Pascale Besson, Volcanologue à l’IPGP

Benjamin Bernard, Volcanologue à l’Institut Géophysique de Quito

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